Pouvez-vous vous présenter ?
Mon parcours est difficile à déchiffrer, il est surtout jalonné de rencontres, c’est ce que je retiens le plus. J’ai joué beaucoup de musiques différentes: orientales, free jazz, rock, métal, et à des moments clefs j’ai pris des décisions, j’ai fait des choix. Je me sens plutôt un intrus dans le « jazz ». Ma culture de l’improvisation n’est pas particulièrement celle du jazz « mainstream ». Mes influences sont nombreuses, comme par exemple la musique électroacoustique, rock, noise, contemporaine. Le jazz en fait partie certainement, mais pas plus pas moins. Les musiciens se concentrent souvent sur la forme, pas toujours sur le fond, les esthétiques ont tendances à se figer avec le temps dans un académisme abrutissant et donc dans du pur formel ou formol.
Je préfère ne pas être un artiste spécialisé.
Parlez-nous de votre musique, quelles sont vos inspirations, vos instruments/sonorités de prédilection ?
J’ai la chance de faire le grand écart entre différentes scènes improvisées: contemporaine ouverte, électronique, théâtre musical,… Du coup je m’efforce de proposer un dispositif différent à chaque fois : platines/samplers, électronique live, guitare, etc… De quoi m’amener à me renouveler à chaque situation.
Souhaitez-vous transmettre un message ou des émotions particulières à votre public à travers votre musique? Pensez-vous qu’elle puisse s’adresser à tous?
Le seul fait de monter sur scène ou de publier est déjà un engagement. Evidemment il est plus fort s’il s’agit d’oeuvres personnelles que de pièces venant du répertoire classique ou « variétés ». Je n’analyse pas mon travail, mais je me pose des questions quand à l’urgence de secouer cet art qu’est la musique, et l’art est souvent un reflet du monde que nous fabriquons. L’appréciation est laissée au public, lui donner de la guimauve consensuelle pour le faire applaudir sagement et consommer ne m’intéresse pas.
Je ne fais pas de la musique pour une élite ou un public spécialisé, comme pour tous les arts il faut des clefs pour entendre puis comprendre, cela passe par l’éducation, la rencontre, etc… C’est un peu comme si l’on disait au public de ne pas rentrer dans des musées d’arts contemporains parce qu’il ne comprendraient pas… Ce serait du mépris et de la manipulation. D’ailleurs cela existe déjà, on a brûlé des livres dans l’Histoire , mais on a aussi interdit des musiques les traitant de « dégénérées ».
Est-ce votre première participation au festival Jazz à Junas?
Oui, c’est ma première participation. A vrai dire, j’ai été assez surpris d’être programmé dans ce festival que je pensais uniquement « mainstream » ou « grand public », car je suis souvent estampillé « difficile » pour les festivals de jazz. Je remarque avec plaisir que leur programmation s’ouvre de plus en plus avec des musiciens tels Noël Akchoté ou Erik M l’an dernier. Il est vrai que de jouer dans la même soirée qu’Al di Meola me paraissait assez décalé… Mais pourquoi pas, et d’ailleurs l’accueil du public a été plutôt bon et très attentif. L’équipe du festival est très pro et très enthousiaste, alors j’applaudis des deux mains.
Vos projets pour la suite?
Je travaille sur de nombreux spectacles, par exemple de danse et musique électronique avec la chorégraphe montpelliéraine Rita Cioffi, théâtre et musique avec Marc Ducret et Jean-Marc Bourg pour « Un sang d’encre », ou encore une commande radiophonique pour France Culture, et des concerts un peu partout en solo ou avec des improvisateurs, ainsi que la reprise d’une pièce pour ensemble instrumental interprétée par Ars Nova.
Propos recueillis par Alexia Lynch.
Nous tenons à remercier Franck Vigroux pour sa participation et son temps. Pour retrouver son actualité, rendez-vous sur http://www.franckvigroux.com